Un des nombreux aspects positifs du colloque international organisé en décembre dernier a été de mettre en relation de multiples personnes sensibilisées au sort réservé aux prédateurs dans le monde. C’est dans ce cadre que le PGPJ est fier de vous présenter le travail dans une région d’Afrique du Sud d’une biologiste, Marine Drouilly, qui a rédigé l’article suivant.
Marine Drouilly:
C’est lors du Colloque International « Vivre avec les grands prédateurs en Europe », que j’ai concrètement découvert les actions du Pôle Grands Prédateurs Jura. De là je suis entrée en contact avec Patrice Raydelet, chargé de mission au PGPJ, pour échanger sur nos expériences respectives, et de fil en aiguille est née l’idée d’écrire une série d’articles sur mon projet en Afrique du Sud : Le Karoo Predator Project, dont les actions se rapprochent de celles menées par le PGPJ dans le Massif jurassien.
Je suis écologiste de formation, avec une spécialité en biologie de la conservation. Les problématiques liées aux prédateurs m’ont toujours passionnées, notamment du fait des défis de conservation qu’ils présentent et de leur mode de vie très discret. Je mène actuellement des recherches pour ma thèse de doctorat en Afrique du Sud, sur les conflits entre éleveurs et mésoprédateurs (prédateurs de taille moyenne), dans une région où l’élevage extensif de moutons est la seule source de revenus: le Karoo, à 3 heures de route au nord-est de la ville du Cap.
Ce semi-désert n’abrite pas de grands prédateurs comme le léopard ou la hyène tachetée. En revanche, le chacal à chabraque, le caracal, le renard du Cap et le protèle sont présents et sont communément perçus comme des nuisibles car ils s’attaquent parfois aux troupeaux (sauf le protèle qui est insectivore). Cette perception négative a poussé les fermiers à utiliser toutes sortes de techniques pour se débarrasser de ces carnivores : piégeages divers et souvent non-sélectifs, chasse nocturne, utilisation de poison – sans grand succès.
En effet, dès qu’un de ces prédateurs est éliminé, des individus des terres voisines semblent recoloniser le « vide » créé. Ce sont souvent des jeunes animaux sans expérience, qui s’attaquent d’autant plus aux troupeaux qui constituent des proies faciles car non protégés.
Si le chacal à chabraque et le renard du Cap ont été assez bien étudiés par le passé, on ne connaît presque rien du protèle et du caracal, et notamment des effets que peuvent avoir une intense persécution sur les effectifs des populations. L’objectif du projet est de mieux comprendre l’écologie de ces prédateurs et de déterminer l’impact de la persécution humaine sur celle-ci, pour ensuite proposer des stratégies alternatives et désamorcer les conflits. Le projet rassemble des spécialistes en écologie, sciences sociales et économie de l’Université du Cap, pour tenter de comprendre les conflits dans leur globalité.
Les résultats de l’étude pourront avoir des implications dans des milieux similaires en Europe et aux Etats-Unis, où la présence des prédateurs génère aussi des conflits avec les éleveurs.
Le PGPJ vous tiendra informé des avancées du Karoo Predator Project sur ce site en publiant chaque trimestre environ un article rédigé par Marine. Entre temps, si vous avez des questions ou des suggestions, vous pouvez la contacter à l’adresse suivante : drouillymarine@yahoo.fr